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The Strokes : Is this It (2001) : Le rock est mort, vive le rock !

06 11

A l’écriture de cette chronique, quand je regarde les n°1 des singles en France en 2001, je me dis que j’ai mal à ma musique : le début d’année raisonne d’Alizée à Garou, l’été se tortille sur la chanson des lofteurs et la fin d’année se sublime sous les télés crochets des L5 et de la Star Acadamy… Arf… La décennie précédente voit l’essor des musiques électroniques, l’expansion du hip-hop. Un genre semble bien oublié : le rock ! Et il aura fallu une bombe pour redonner envie (l’envie d’avoir envie ?), envie aux groupes de se former de gratter dans un garage, envie aux maisons de disques d’investir et de promouvoir à nouveau ce genre de musique, envie aux radios d’en diffuser et aux auditeurs d’en réécouter… Et cette bombe c’est Is This It de The Strokes.

L’album sort en Europe en août 2001 puis en octobre aux Etats-Unis dans une version différente. Le titre New York city Cops incarnant l’amour de Julian Casablancas pour la maréchaussée new-yorkaise a en effet été supprimé à la suite des évènements du 11 septembre 2001 et remplacé par When it started. Il est composé de 11 titres pour 36 minutes. C’est court, c’est bref, c’est brutal et c’est une claque ! Une claque telle que la photo de cette main latexée sur ce postérieur surexposé laisse deviner. Evidemment, le puritanisme américain ne sut au travers du marketing accepter une telle photo. L’illustration américaine de l’album représente donc une collision de particules stylisée. Enfin, l’album a 18 ans, maintenant on peut regarder cette pochette et cliquer sur « oui je suis majeur » sans mentir.

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The Strokes est formé de Julian Casablancas (voix), Nikolai Fraiture (basse), Albert Hammond Jr (guitare), Nick Valensi (guitare) et Fabrizzio Moretti (batterie). Il reste le disque le plus vendu du groupe avec 2 500 000 exemplaires, les quatre autres albums ne dépassant pas le million. Les 5 New-Yorkais de bonne éducation ont donc su au travers de cet opus relancer la dynamique du rock.

A la genèse de l’album, la volonté du groupe comme Gordon Raphaël l’affirme à Pitchfork est : « Nous devions trouver un moyen de nous démarquer de ce qui se faisait en 2001, alors nous nous sommes demandés : ‘Qu’est-ce qui serait à l’opposé du rock des années 2000 ? ’ C’est comme ça qu’est né le son des Strokes. ».

L’entrée en studio est plébiscitée après la sortie d’un maxi (The modern Age). La recherche d’une efficacité brute est concrétisée par des enregistrements en une prise. Le groupe souhaite un son sale, proche du garage rock, voire du lo-fi. C’est pourquoi seules 11 pistes sont utilisées en studio afin de garder ce son particulier (contre 24 ou 32 en analogique).   

Outre ce côté sonore rustique, à l’instar de la pochette qui laisse alors déceler une caresse, les chansons se révèlent moins revendicatives que la musique ne le laisse imaginer. Elles sont presque introspectives. Certes The Modern Age critique les vicissitudes de la vie consumériste actuelle, Barely Legal, évoque par contre le souhait du chanteur de faire perdre sa virginité à une jeune majeure. Dans le même registre, Alone Together, évoque le cunnilingus. Enfin, Soma, réhausse le débat rappelant la drogue éponyme donnée au peuple dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley.

Cette sonorité voulue par The Strokes les fait apparaitre comme étant le pont entre le Velvet Undergroung, The Clash ou Guided by Voices et le renouveau du rock des années 2000. Ainsi nombre d’artistes revendiquent la paternité des Strokes dans leur musique : c’est entre autres le cas des Libertines, Franz Ferdinand et même Arctic Monkeys (on ne compte plus les références d’Alex Turner aux Strokes). Les BB Brunes, en France, ont poussé la ressemblance au-delà du code vestimentaire. On ne peut décemment avoir des parents dans la mode sans saisir l’importance de sa parure. Les marques ont aussi vite compris le phénomène naissant. Par exemple, Converse (qui habille les pieds du groupe) proche de la faillite début 2000 ressuscite en quelques années. Philippe Manœuvre ose même la plaisanterie : « si le disque n’a pas changé votre vie il a au moins changé vos baskets.).

Ainsi laissant de côté les débats stériles (enregistrement de mauvaise facture, comment des jeunes bercés à la cuillère d’argent peuvent-ils comprendre le rock et sa colère…), cet album a été un tournant dans le genre, précurseur d’une prolifique discographie et de groupes. Il est reconnu parmi les meilleurs albums du genre à tel point que NME lui attribue la meilleure note pour un premier single (The Modern Age), Philippe Manoeuvre déclare qu’il fait partie des 100 albums qui ont changé le monde.

L’album a donc 18 ans cette année, le groupe prépare la sortie d’un sixième album pour 2020 avec son lot de tournées. Il reste pour moi un album fort que je réécoute souvent, (ainsi que leurs autres productions). Sa puissance et sa sonorité brute en font une œuvre majeure qui reste moderne. On sent alors le tour de force produit par ce jeune groupe pour leur premier album. Il faut alors se demander si à l’heure d’une certaine atonie dans le genre, ce nouvel album en préparation, comme This is it à l’époque, relancera la machine…

 

Seb.