Parenthèse culturelle: ( KOMPROMAT )

02 05

Comme une parenthèse culturelle, un mirage, et après un été ponctué par quelques fêtes sauvages, ce concert de Kompromat s’invite miraculeusement au Rocher de Palmer, sauvé par les dernières mesures du gouvernement prises en aout 2020 face à l’épidémie du nouveau coronavirus…

Bonheur éphémère, rêve éveillé, de courte durée, le monde de la culture est à nouveau en berne depuis novembre dernier.

Nécessité du souvenir, sans pour autant remuer le couteau dans la plaie : retour sur ce qui fut mon dernier concert officiel, à Cenon, proche de Bordeaux.

Pour ceux qui l’ignorent, Kompromat est le fruit de la rencontre entre Pascal Arbez Nicolas alias Vitalic et Julia Lanoë alias Rebeka Warrior du groupe Sexy Sushi. Ils avaient déjà brillamment collaboré par le passé. Ce projet commun de grande envergure semblait donc inévitable. L’album tombe en 2019, un son, une voix, éclaboussant la scène électronique française, par sa richesse, son originalité, sa force et son audace.

Privé de concert depuis le 17 mars 2020, une première date annulée en avril, et faute de trouver un compromis à la fin du premier confinement, le Rocher s’organise pour jouer le concert en salle assise.

Nous sommes à la mi-octobre. Anéanti depuis la fermeture des lieux qui me sont chers, en arrivant sur les lieux, je découvre des vigiles, des contrôles, des regards à la fois excités et anxieux. Une atmosphère un peu lourde. Je m’assois finalement tout devant, et je trépigne comme un enfant.

20h52 : sous un déluge stroboscopique assez inhabituel, le concert démarre sur « Possession », premier titre de « Traum Und Existenz », et un des meilleurs à mon sens. Difficile de ne pas se remuer lorsque les basses commencent à déferler. Une partie du fond de la salle est déjà debout. Un vent de rébellion souffle sur le Rocher. Près de 600 personnes en tension, après des mois de frustrations. La salle est néanmoins parsemée de fauteuils libres, COVID et distanciation sociale obligent.

Armé de son synthétiseur Access Virus, Pascal arbore une petite chemise blanche, Rebeka, un perfecto noir. Tous deux jouent des machines, saturant les sons, les corps et les esprits. Le plaisir est palpable de toute part.

« Auf Immer Und Ewig », et son « KOMPROMAT », en lettrage blanc lumineux, battant la mesure, hypnotisant nos âmes, EBM à souhait, ouvre clairement les hostilités.

La version live de « Einfach da sein » est monstrueuse d’efficacité. Quant à « Herztod », punk et bouleversante, à la « Rollin’ and Scratchin’ », elle vrille les neurones, affole les sens. Dès lors, rester assis devient mission impossible. La suite est un enchainement d’improvisation et de relecture rendant la performance extraordinairement vivante.

21h48 : un premier rappel pour un retour en douceur sous les lumières bleutées de « Das Konterfei », comme pour nous demander gentiment de nous rassoir, mais nous sommes bien trop chauds pour cela. Un second rappel, et la salle 650 du Rocher entre en fusion. Rebeka Warrior tout sourire, guère plus germanique que ma tante Monique, maitrisant pourtant cette langue à la perfection, blaguant avec le public sur ce concert peu conventionnel. Un sourire également sur le visage de Pascal : évènement assez rare pour être souligné…

Suivront le très attendu « Niemand » et « La mort sur le dancefloor », qui apparaissait il y a déjà huit ans, sur l’album « Rave Age » de Vitalic. Quel immense plaisir de redécouvrir ce titre pour une version live phénoménale, dévastatrice. La voix de Rebeka sonne comme une urgence, celle d’un chaos à venir. Un finish en demi-teinte cependant, avec une reprise assez incohérente d’Odezenne, probable clin d’œil au trio bordelais, première partie du duo electro lors de quelques dates par le passé.

Quelle évolution depuis pour la culture en France ? On danse au parc des Buttes-Chaumont. Et plus sérieusement ? Un éventuel retour pour les musiques amplifiées programmé en juin avec un Pass Sanitaire. Et en attendant ? Est-ce que quelques fêtes organisées à l’arraché suffisent à combler le vide ? Les lives stream, certes toujours plus sophistiqués arrivent-ils à nous consoler du manque ? Le monde de l’art et de la culture paye aujourd’hui les conséquences de décisions unilatérales et contradictoires.

Un espoir cependant pour les théâtres, les cinémas, les expositions, qui aperçoivent une lumière au bout du tunnel. Mais alors que les discothèques se meurent, dans un brouillard d’incertitudes et de désillusions, grands nombres de questions restent encore aujourd’hui sans réponse. Le gouvernement n’en propose véritablement qu’une : vaccinez-vous.

Ce « kompromask » aura eu comme avantage de nous rassembler, en petit comité, de nous retrouver certes masqués mais souriant, debout malgré les interdits, réunis autour d’une même passion, comme un pied de nez contre ces lois liberticides et inégalitaires. Merci le Rocher, courage pour la suite.

« chaque jour qui passe, et mes paroles ont un peu plus le goût des cendres ».

 

Julien Dumeau