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CHRONIQUE ROCK & POLITIQUE (MARS 2020)

26 03

Dans ce contexte de primaires démocrates et d’élections municipales, une chronique sur les liens qu’entretiennent le rock et la politique semble d’actualité. Au programme d’aujourd’hui, un petit tour d’horizon de morceaux choisis qui font entendre leur voix, et s’engagent contre le système.

Travelzikiens, aux armes !

COTE PUNK :

Sans retracer la chronologie complète de l’histoire de la musique, il semble pertinent de commencer avec l’émergence du punk britannique dans le milieu des années 70. C’est en 1977 que les Sex Pistols sortent un de leur titre les plus connus aujourd’hui : God Saves The Queen, créant une importante polémique au Royaume Uni. Détournant un des symboles de la monarchie, les Sex Pistols associent le régime royal au « fascist régime », évoquant le « no future » de la monarchie britannique. Durant le jubilé du vingt-cinquième anniversaire de la reine, le 7 juin 1977, le groupe tenta de jouer ce morceau embarqué sur un bateau, près de Westminster, dans un acte de provocation. Résultat : onze personnes seront arrêtées. Mais le geste de protestation entrera dans l’histoire.

Le groupe se défend néanmoins d’avoir écrit ce morceau spécialement pour cette occasion, mais explique les paroles ainsi : « On n’écrit pas une chanson comme God Save the Queen parce qu’on déteste la race anglaise. On écrit une telle chanson parce qu’on les aime, et qu’on en a marre de les voir maltraités ». Non pas pour protester contre le peuple britannique, mais plutôt contre un système injuste et inégalitaire donc.

Pour l’anecdote, le titre aurait du être, selon les ventes, classé n°1 du hit-parade de la BBC. Pour des raisons diverses, il resta bloqué à la deuxième position, la chaîne estimant qu’un titre aussi provocant ne pouvait décemment pas être classé à la première place.

De l’autre coté de l’Atlantique, le mouvement punk se développe également, durant la même période. C’est ainsi qu’en 1980, les Dead Kennedys publient ce titre :

Un morceau qui attaque violemment ces jeunes américains stéréotypés, bien-nés, moralisateurs et conservateurs, qui croient tout connaître du monde grâce à leurs années à l’université, mais ignorent le monde réel : « So, you’ve been to school / For a year or two /And you know you’ve seen it all ».

La pochette du single, une photographie d’un homme frappant à coups de chaise un étudiant pendu, évoque justement ce monde réel. Une référence au massacre de l’université de Thammasat en Thaïlande, où les forces para-militaires du parti d’extrême droite massacrèrent les manifestations étudiantes contre le régime dictatorial de Thanom Kittikachorn, ancien militaire : « It’s time to taste what you most fear / Right guard will not help you here ».

Holiday in Cambodia fait évidemment polémique, comme c’est souvent le cas avec Dead Kennedys, mais s’inscrit lui aussi dans cette lignée de morceaux critiques et largement politisés, au moins socialement.

LA RAGE ET LA MACHINE

Quelques décennies plus tard, un groupe va porter le flambeau de l’engagement politique outre-Atlantique : il s’agit bien entendu de Rage Against The Machine.

Sans être exhaustif, simplement dire que les années 90 vont être marquées par RATM, composé de Zack de la Rocha, chanteur parolier, Tom Morello et ses effets sonores, Tim Commerford à la basse et Brad Wilk à la batterie.

Le groupe est connu pour ses nombreux engagements politiques, tant dans les paroles que dans le choix de leurs représentations, critiquant avec violence l’injustice, le capitalisme, les mensonges des médias ou le racisme.

La sortie de leur premier album fait effet de choc en 1992, notamment grâce au single Killing in the Name :

Un morceau controversé, par les 17 « fuck you » qu’il contient par exemple, mais également à cause de ce qu’il dénonce : « Some of those that work forces are the same that burn crosses ». Une vive attaque à l’encontre de certains officiers de police suprémacistes blancs, membres ou sympathisants du Klu Klux Klan. Traitant donc des fortes tensions raciales qu’il existe aux États Unis, le morceau sort six mois après les émeutes de Los Angeles de 1992, provoquées par l’acquittement de quatre policiers blancs qui avaient brutalisé Rodney King, un motard noir.

Pour l’anecdote, Killing in the Name s’est retrouvée en première position des meilleures ventes de la BBC Radio 1 de 2009, grâce à une mobilisation du DJ Jon Morter, voulant empêcher que le gagnant de l’émission X Factor ne gagne cette place pour la cinquième fois. Grâce à un live 9 ans après la dissolution du groupe, un soutien sur les réseaux et la mobilisation d’autres artistes, RATM décrocha la première place des ventes de single, et fit don de revenus à l’association Shelter, venant en aide aux sans abris.

Une vidéo de Polyphonic en parle :

RATM, c’est également des représentations controversées, des lives où personne ne les attend, des happenings aussi engagés que leurs textes. Ainsi, Sleep Now in the Fire traite de l’avidité des conquêtes sur les natifs américains par Christophe Colomb, et des atrocités commises sur les locaux, de la traite esclavagiste du 19eme siècle, de même que des décisions prises par le gouvernement américain en tant de guerre, comme Hiroshima et la guerre du Vietnam.

Quel symbole plus parlant que Wall Street pour monter une scène et jouer ce morceau ?

Le clip réalisé par Michael Moore est ainsi une satyre d’une émission appelée Who Wants to Be Filthy F#&%ing Rich, entrecoupée d’images de live devant le New York Stock Exchange, daté du 26 janvier 2000.

Un live sans permissions qui ameuta plusieurs centaines de personnes, dont des employés de la bourse, qui semblent eux aussi apprécier le concert. Conscient des l’illégalité de cet événement, Michael Moore donna simplement au groupe la consigne suivante : « No matter what happens, don’t stop playing ». L’événement fit fermer les portes de Wall Street, ce qui n’était pas arrivé depuis le krach boursier de 1929, et Moore et les membres du groupe furent contraints de jouer alors que les forces de l’ordre tentaient de les en empêcher, avant d’être arrêtés.

Après une traversée du désert et une certaine mort du genre, c’est en 2016,  soit plus de 15 ans après la dissolution de RATM, qu’une annonce est lancée grâce à cette vidéo.

Retour en force pour certains des membres de RATM, puisque Prophets of Rage voit le jour. Un supergroupe – groupe composé d’artistes ayant eux mêmes une carrière musical reconnue – qui va suivre les traces d’un rap/métal engagé politiquement, tant dans ses textes, ses clips, ses manifestations, ses idéaux. Cependant, la réception critique sera mitigée, certains ne voyant là qu’un groupe misant sur la nostalgie du genre, d’autres la production ou l’utilisation d’auto-tune sur certains morceaux. L’album est tout de même conseillé, car loin d’être mauvais.

Bien sûr, le sujet est large et cette chronique loin d’être complète. On pourrait citer Sonic Youth ou Bérurier Noir et Noir Désir pour le coté francophone, et bien d’autres, mais à travers ces quelques morceaux choisis, la question de la musique engagée trouve une réponse : oui, la musique, en tant qu’art, peut être politique.

Fuck Trump.